Paradoxe, voilà ce qui devrait me définir.
Je suis une obsédée du contrôle. Je ne supporte pas ne pas contrôler les choses. Ou au moins avoir le sentiment des les contrôler. Même dans ma vie privée, où je ne suis pas une dominante, c’est tout de même moi qui garde le contrôle. J’obéis parce que je le veux bien, pas parce qu’on me force à le faire. Ce qui m’amène à manipuler les gens pour leur faire croire que ce sont eux qui ont fait leurs propres choix alors que je les ai poussé dans ma direction que je voulais. J’ai aussi une très haute opinion de moi-même, ce qui bien sur me pousse à toujours vouloir dépasser les autres et me dépasser, même si ça implique parfois de faire de plus grosses erreurs que les autres. Je suis d’ailleurs aussi têtue et obstinée, espérant par je ne sais quel miracle que les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets (hum, c’est aussi une définition de la folie).
Autrement, on ne considère souvent comme une personne froide et hautaine envers mes pairs alors que je sais me montrer empathique envers ceux qui sont plus bas dans l'échelle sociale.
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Tu te demandes comment je suis arrivée ici n’est-ce pas ? Et bien grâce au travail ma petite, grâce au travail ! Le mien ? Oui, aussi, je suppose. Tu veux en savoir plus ? Bon, ok, c’est parti. je ne suis pas la fille cachée d'un narcotrafiquant et d'une actrice célèbre, kidnappée lorsque j’étais enfant par une secte chilienne qui voyait en moi la réincarnation d'une déesse devant accomplir une prophétie plurimillénaire qui déciderait de l'avenir de l'univers. Je n'ai pas non plus survécu durant 22 ans dans la jungle avec comme seule défense une coquille d’huître et un capibara nain apprivoisé. Non. Ce que j'ai vécu et qui s'en rapproche le plus, c'est d'avoir du passer une nuit dehors parce que j'avais raté mon train ou d'avoir perdu mes clefs. Bref, pour l'aventure et l'exotisme, on repassera.
Il t’en faut tout de même plus ? Et bien j’ai vu le jour dans la magnifique ville d’Angoulême,  si typique de nos belles régions de France que nous aimons tant (ok, Monsieur Pernaut, vous pouvez partir maintenant). Tu vois que niveau exotisme, on est loin du compte. Après une enfance et une adolescence normale, j’ai fais quelques études. Le parcours classique : deug, licence, maîtrise, DEA, doctorat (oui, je cause en vieille), dans le domaine de la fiscalité comptabilité. Donc, oui, on pourrait dire que je suis comptable. Bon, comptable de haut niveau hein. Ce n’est pas moi qui remplit la fiche d’impôts du garage du coin. Non, moi je suis celle qu’on engage pour prouver qu’en fait, même si tu as 12 châteaux sur chaque continent, en fait, tu es pauvre. Fraude ? Non, quel vilain nom. La fraude, c’est lorsqu’on se fait prendre. Dans mon milieu, on préfère utiliser le terme d’optimisation. Bref. Après m’être faite la main comme employée dans quelques grandes boites du secteur, j’ai ouvert mon propre cabinet de conseil. C’est comme ca que j’ai appris l’existence de cette île. Bon, c’était un peu évident : une meuf qui gère et gagne du pognon en masse devait forcement un jour ou l’autre se retrouver en contact avec les gens de cette île qui ont du pognon en masse.

Est-ce que c’est le style de vie particulier de cette île qui m’a amenée ici ? Non, pas vraiment. D’accord, je ne suis pas complètement opposée aux us et coutumes de cette île, mais je suis venue ici à cause de l’amour. Oui, bon, j’admets que c’est un poil plus compliqué que cela. Et ce n’était peut-être pas vraiment de l'amour non plus. En tout cas, c’était de la passion charnelle. Pour ma jeune secrétaire. Dieu que j'aimais son corps et ce qu'elle en faisait. Ça en était pathétique. J’étais une requin de la finance, je me battais quotidiennement contre des états, je brassais plus d’argent que certains pays du Commonwealth, j'avais gagné mon premier million avant mes 30 ans et celui-ci n'avait pas mis longtemps a faire des petits et pourtant, je me retrouvais tenue en laisse par une gamine de 20 ans. Un autre terme technique en "optimisation fiscale" c’est « jouer au con ». Normalement, je suis assez douée à ce jeu, mais c'est loin d’être un jeu facile. L'adversaire ne doit avoir de la chance qu'une seule fois alors que vous, la moindre erreur peut vous faire perdre. Et bien, j’ai perdu.
Plot twist : vous saviez que les agents de la répression des fraudes pouvaient coucher avec leur cible ? Et bien moi, je ne le savais pas. Autant vous dire que je n’ai que moyennement appréciée la dernière fois où elle m’a menottée. Bon, en réalité, c’était plus une défaite morale que financière. Même si le montant global peut paraître exorbitant, il ne représentait que 11,6% de mes liquidités. J'avais encore de quoi encore subvenir aux besoins une petite ville de province durant un an ou deux.

Dieu merci, elle était jeune et manquait encore d'expérience, du moins dans le domaine des procédures judiciaires, donc son dossier n’était pas si solide que cela. Enfin, si, mais pas assez solide pour m’empêcher de faire traîner les choses suffisamment longtemps que pour disparaître mystérieusement. Dans 10 ans, je serai officiellement déclarée morte. En attendant, je me suis installée sur cette île où je continue mes affaires. Business as usual, j’essaye simplement d’éviter les petites latinas de 20 ans. Mais je crains de ne pouvoir y arriver.